Experience Personnelle et Professionnelle
Au cours des années, je me suis souvent demandé pourquoi il paraissait n’y avoir aucun service psychologique visant à aider les mères célibataires de ma génération qui avaient dû confier leurs enfants en adoption. Ceci était évidemment avant que je connaisse la vérité quant à la cause principale de la création de ce phénomène d’adoption si répandu, c’est-à-dire l’ingénierie sociale, de sorte qu’il ne s’agissait pas seulement d’un autre résultat abhorrent de la moralité religieuse imposée de l’époque.
Les institutions religieuses étaient certainement impliquées dans cet exercice frauduleux puisqu’elles menaient les maisons pour filles-mères, mais elles n’étaient qu’un instrument qui faisait partie d’un plus grand projet. Ce projet était de manipuler les filles-mères afin qu’elles renoncent à leurs bébés blancs pour qu’ils soient adoptés par des couples blancs infertiles. Nous étions donc ciblées. Ce qui explique pourquoi nous ne pouvions pas trouver d’aide pour guérir le traumatisme persistant du au déchirement de la séparation de nos enfants, puisque la psychologie de l’époque faisait partie du problème.
Pour assurer la réussite d’un tel projet d’ingénierie sociale, il fallait coordonner l’ensemble des services de ressources professionnelles: médecins, psychologues, travailleuses sociales, membres du clergé, religieuses, etc., pour que tous soient sur la même page.
Quand cette vérité fut enfin découverte et que je lisais un document sur les méthodes de coercition psychologiques utilisées pour obtenir nos bébés, je me suis reconnue. En lisant la liste des méthodes et pratiques utilisées systématiquement sur nous les filles-mères, je me rappelai en avoir subi plusieurs. C’était très bien organisé, puisqu’à la fin, nous avons toutes cru que le dernier recours de l’adoption avait été notre décision, et de cette manière, l’industrie de l’adoption continua d’être alimentée pendant plusieurs décennies.
En 1969, j’ai entré dans une maison pour filles-mères avec une valise remplie de linge de bébé, et quelques mois plus tard, j’en suis sortie sans bébé.
Comme la loi du silence régnait, non seulement pour perpétuer le sentiment de honte, puisque tout ce qu’il faut cacher est honteux, mais cela nous empêchait par le fait même de pouvoir nous regrouper pour s’offrir de l’appui émotionnel et du réconfort. L’isolation devint donc la méthode de contrôle absolue pendant des années. A ma connaissance, il n’y a que les cellules terroristes qui ne savent pas où se trouve les autres cellules appartenant au même mouvement.
L’année dernière, j’ai vu une émission de télévision transmise du Québec pendant qu’une réunion d’adoption se déroulait. C’était comme on dit ‘live’. Tout d’abord, on voyait un homme dans la quarantaine avancée qui se préparait pour rencontrer sa mère naturelle pour la première fois. Il se disait très enragé du fait que d’après lui, il avait été abandonné par une mère égoïste et insouciante qui n’en avait tout simplement pas voulu. Wow! Il avait accepté de la voir juste une fois pour lui faire part de ce qu’il en pensait. Il voulait la punir, comme elle lui avait causé tant de mal.
Puis, nous avons vu sa mère qui paraissait être anxieuse en se préparant pour la rencontre avec son fils qu’elle avait souhaité revoir depuis son adoption. Ils se rencontrèrent dans un restaurant. Le fils resta assez froid pendant que sa mère essayait de lui expliquer à quel point la décision de son adoption avait été pénible pour elle.
Quand ils se quittèrent, le fils annonça qu’il pourrait peut-être réfléchir davantage, mais qu’il ne promettait rien. La mère de son côté n’avait pas d’attentes, mais seulement l’espoir d’être soit pardonnée ou de peut-être pouvoir garder contact avec son fils, si limité soit-il.
C’est alors que j’ai réalisé qu’elle n’avait aucune idée de ce qu’il lui était vraiment arrivé. C’était très évident qu’elle ne savait pas qu’elle avait été manipulée par un système qui lui avait volé son enfant. La décision avait déjà été prise pour elle dès son arrivée à la maison pour filles-mères. Le processus n’avait été qu’une mise en scène, bien exécutée par tous ceux en charge de son dossier. (Ce que le dictionnaire juridique décrit comme ‘collusion’.)
Elle avait l’air désemparée. Cela me rappelait ma réunion avec ma fille. J’avais 50 ans et elle en avait 31. Même si on s’attend à des vagues d’émotions qu’on ne peut décrire, on sait qu’il ‘nous en manque un bout’, mais on ne sait pas lequel. Ce qui manque c’est la vérité, sinon on n’arrive pas à agencer tous les morceaux. Le sentiment de culpabilité pour un crime que nous n’avons pas commis est irréconciliable. On ne peut pas guérir ce qu’on ne connaît pas. Mails il faut faire attention lorsqu’on découvre la vérité, de ne pas aller à l’autre extrême et d’échanger la honte et la culpabilité pour s’enfouir dans la rage pour ce que nous avons subi. Il faut plutôt rester centrée et chercher une résolution paisible du passé. Après tout, notre quête pour la vérité est en vue de nous libérer, car seule la vérité peut entamer le processus de transformation.